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Gestation, Nouvelle by l'homme

Voici la deuxième nouvelle écrite par mon homme, il attend vos impressions!

bonne lecture

Gestation

Ça y est. Me voilà. Confortablement installé dans cette matrice. Je vais pouvoir me développer. Je ne suis pour l'instant qu'une petite chose. Insignifiante. À peine visible. Invisible même. Un embryon. Un bout de rien. Mais je sais que je vais devenir quelque chose de grand! Je serais bientôt là. Je casserais peut-être les oreilles de certains au début, mais mon père, lui, sera fier de moi.

Premières heures...je me développe. Je voit bien que j'ai grandit. Je ne suis plus aussi simple qu'à mon premier jour. Des variations s'opèrent en moi. Je suis complexe. Bien plus complexe que je ne l'aurais imaginé. Trop complexe peut-être? Non. Il y a cette présence, au delà de ma matrice qui me fait sentir le contraire. C'est mon père, je le sais, je le sens. Il caresse le peau juste au dessus de moi. C'est chaud. C'est agréable. Je me développe alors un peu plus. Il est là. Je dois être à la hauteur de ce qu'il attend de moi. Alors je m'enrichit encore plus. Je suis toujours très court, mais quand même bien plus grand, plus fort qu'avant...et plus doux à certains endroits. J'en dérangerais peut-être certains, mais mon père, lui, sera fier de moi.

Premier mois. Déjà? Que le temps passe vite. Absorbé par la croissance de ces bourgeons, ça et là, de mon être, je ne l'ai pas vu passer. Je sens bien que mon corps principal ne ressemble pas à grand chose pour le moment. Mais mon père veille. Je sens sa présence. Il m'aide, je ne sais pas comment, mais il m'aide à être de plus en plus magnifique. De plus en plus fort. De plus en plus harmonieux. Il caresse régulièrement la peau juste au dessus de moi. C'est toujours aussi chaud. Toujours aussi agréable. Je dois me développer encore. Grandir encore. Pour lui. Pour moi. Mais pour lui surtout. Certains sûrement me mépriseront là-bas, mais mon père, lui, sera fier de moi.

Deuxième mois. J'ai eu un peu peur ces derniers temps. Mon père ne caresse plus la peau au dessus de moi. Plus autant en tout cas. J'ai froid du coup. Il faut qu'il revienne. Je suis toujours là. Il verrait comme mes excroissances ont changées. Je fais des mouvements avec. De petits mouvements, certes, mais c'est déjà ça. Je crois que je respire. Du moins j'en fait le simulacre. Ça développe mon corps. ça..l'aère je crois..le rend plus souple ...plus tendre. Je vais grandir encore. Augmenter le nombre de variation de mon être. Là-bas, certains sûrement, se ficheront de moi,mais mon père, lui, sera fier de moi.

Troisième mois. Enfin, mon père caresse à nouveau le peau au dessus de moi. C'est vraiment si chaud. Ça m'inspire. Tous mes éléments sont là désormais. Toutes les parties de mon corps et de ses variations existe. Il faut que je les perfectionne. Elle ne sont pas abouties. Si je sortais maintenant, je ferais peur à tout le monde, tout le monde me trouverais horrible. Mais il y a déjà en moi les balbutiement du génie. Je sais à qui je les dois. Je te les dois à mon père. Je vais encore développer ces parties, les rendre plus belles, bientôt elle seront parfaites. Certains me trouveront sans doute indigne de lui, mais mon père, lui, sera fier de moi.

Quatrième mois. J'ai senti une autre présence. Féminine. Gracieuse. C'est bizarre, je me sens intimement lié à Elle. Un mère peut être. Elle aussi de temps à autres met la main sur la peau au dessus de moi. C'est si rassurant. Si agréable aussi. Différent de Papa, mais si complémentaire. Si nécessaire. Depuis que je l'ai senti, j'ai eu quelque hoquets. Des contre-temps dans ma respiration. C'est drôle. C'est amusant. Je vais essayer d'en avoir d'autres. Et puis mon père caresse cette peau plus régulièrement maintenant. Et je sens une cadence qui bat en moi. Une pulsation. Boum,boum. Boum, boum. C'est régulier. Ça ralentit parfois. Et dans ces moments là, je suis plus calme. Plus détendu. Et ça repart. Régulier. Ça me rend vivante. Vivante? Féminin donc? La-bas, je serais une symphonie de beauté. Je le sais. Certains là-bas me trouveront peut-être laide, mais mon père, lui, sera fier de moi.

Cinquième mois. Je suis plus grande. Vraiment plus grande. Je suis plus gracieuse aussi. Je sortirais maintenant, je pense que mon père serait déjà émerveillé. Mais je dois être parfaite. Ce n'est pas encore le cas. Je vais encore grandir, m'affiner, être plus belle encore. La pulsation au cœur de mon corps est plus présente encore. Boum boum, boum boum. Plus régulière. Un peu plus rapide qu'auparavant, mais toujours aussi hypnotisant. Je sens bien que c'est ma vie qui s'exprime à travers elle. Sans ce rythme régulier, je sais que je disparaîtrais. Alors oui, je la sens et je me sens vivante. Et mon père le sens aussi j'en suis sur. Il tapote de temps en temps la peau au dessus de moi. Avec le même rythme. Exactement. C'est toujours si chaud. Si agréable. Si inspirant. Sans doute là-haut, certains se riront de moi, mais mon père, lui, sera fier de moi.

Sixième mois. J'ai entendu mon père jouer du clavier ce moi-ci. C'était si beau. Si doux. Si mélodieux. Ça me donne envie d'être encore plus belle. Plus active aussi. Je fais plus de mouvements. J'ai beaucoup plus d'ornementation tout autour de mon corps. Tout concorde en moi. Tout est beau. Tout est simple. Tout est compliqué. Je danse aussi un peu. Je crois avoir entendu chanter mes frères et mes sœur ce mois-ci aussi. Très mélodieux. Ils ont mon père comme origine, ils sont donc eux aussi parfaits. Forcément. J'ai entendu ma mère chanter également. Je vais m'inspirer de son chant pour développer ma respiration. Régulière. Inspire. Silence. Expire. C'est bien comme ça. Là-haut, certains me trouveront quelconque, mais mon père, lui, sera fier de moi.

Septième mois. Je vais bientôt sortir. Je pourrais le faire maintenant, je suis presque parfaite. Mais mon père ne mérite pas ce «presque». Il lui faudra plus. Il caresse maintenant la peau au dessus de moi de manière plus insistante encore. Nous sommes en harmonie, je le sais. Il me comprend déjà. Je lui manque. Il a hâte de me voir, de m'entendre, de m'écouter. Je suis suffisamment grande désormais. Je manque un peu d'espace. J'en ai besoin pour m'exprimer, laisser mes mouvements se libérer. Bouger. Ralentir. Faire ressentir au monde entier la merveille que je suis. La merveille que mon père a faite de moi. Certains là-haut n'auront aucune attirance pour moi, mais mon père, lui, sera fier de moi.

Huitième mois. Je crois, non je sais que je suis aboutie. Terminée. Ou presque. Mes mouvements sont amples et gracieux. La pulsation qui me guide est si régulière. Je sais chanter. Je sais danser. Tout est harmonie en moi. Élégance. Grâce. Raffinement. Je suis belle. Majestueuse. Je sens toujours les mains de mon père qui masse la peau au dessus de moi, régulièrement. Tendrement. Je comprends. Je peux encore être plus aboutie. Il le sait et me le fait sentir. Encore un peu de temps ici, alors. Pour lui. Pour ne pas le décevoir ne serait-ce qu'un peu. Certains là-haut me détesteront sûrement, mais mon père, lui, sera fier de moi.

Neuvième mois. Je suis prête. Je suis parfaite. Je suis fantastique. Je vais les faire pleurer de joie et de tristesse. Je repense à ces premiers instants de ma vie. Ou je n'était rien. Juste une poussière de mon père. La perspective seulement de la perfection. J'en suis maintenant la personnification. Il faut que je sorte. J'étouffe ici. C'est trop petit. Je dois aller là-bas. Je dois sortir. Je n'ai plus besoin de maturation. Boum boum, cette pulsation est suffisamment régulière, non? Laisser moi sortir! Maintenant! Je n'en peux plus d'attendre. Laisser moi vous montrer enfin qui je suis! Plus que quelques minutes. Je vais bientôt sortir. Émerveiller le monde entier. Le rendre plus agréable. Moins sombre. J'arrive. Je sais que vous m'attendez. Neuf mois que vous m'attendez. Ou peut-être pas après tout. Peut-être ne m'attendez vous pas, mais Papa, toi, tu va être fier de moi...

Et elle sortit. Enfin...

Johann Sebastian se leva d'un coup de son fauteuil. Son regard était illuminé. Il appela sa femme:

«-Anna! Anna! .

- Que vous arrive t-il mon ami, répondit Anna Magdalena.

- Ça y est je la tiens! Ma troisième ouverture en ré majeur. Depuis neuf mois, ça me trotte dans la tête. Neuf mois à se masser les tempes, a réfléchir a ses mouvements, sa grâce, sa cadence, son rythme.... Elle est là, dans ma tête, complète. Parfaite. Terminée. Attendez ma dame. Écoutez...»

Le Cantor de Leipzig s'installa sur son clavecin, et joua les premières notes du deuxième mouvement, la sarabande, en chantant par dessus.

«- ta...tatita ti da ti taaaa, ta ta...écoutez ça, écoutez ça!»

Il continua de jouer les notes au clavier, heureux comme un gamin, et ajouta à chaque mouvement, des informations sur la mélodie:

«- Et là, les violons, ti ta ti ta ti ta ti....et là! Là! L'alto, la basse...ta ti ta, les hautbois....Imaginez...ressentez...»

Sa respiration se faisait de plus en plus haletante.

Anna Magdalena écoutait sans mot dire. Elle connaissait son mari, sa musique. Elle entendait toute la perfection de ces variations. Les mouvements. Ce rythme si régulier, avec quelques fois, des ralentissement qui amplifiait la magnificence de ce morceau. Ses yeux brillaient. Elle en aurait pleuré. Elle savait que là encore son époux lui montrait les anges, les dieux, les étoiles...Il avait une fois de plus démontré son génie. Du Johann Sebastian Bach. Pur. Fabuleux. Intemporel. Exceptionnel. Divin.

« Je couche tout ça sur papier dès ce soir...Dès demain, je monte cette ouverture avec l'orchestre... »

Bach cessa de s'agiter. Il s'assit de nouveau sur son fauteuil. Essoufflé. Il prit un temps. Respira. Puis, toujours avec un visage heureux, il prit une plume et une feuille. En haut à droite, il inscrivit «BWV 1068». Il s'arrêta. Regarda sa femme, tendrement, et lui dit.

«- Je ne sais pas si vous imaginez à quelle point, moi, je suis fier de ça....»

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C
Excellent !! :D Beau travail :)
Répondre
L
je transmets! :)